Sunday, May 19, 2024





5h00 ▪
10
min de lecture ▪ par
Nicolas T.

En essayant de s’approprier le bitcoin pour servir leurs théories bancales, les économistes autrichiens desservent grandement le bitcoin.

Bitcoin

Théorie dépassée

Isaac Newton s’est trompé sur l’origine de la gravité. Il pensait qu’il s’agissait d’une sorte de force d’attraction universelle faisant simplement partie du fonctionnement de l’univers.

Sa loi de la gravitation universelle suppose qu’il existe une « action à distance » entre tous les objets de l’univers. Une force dont l’intensité se dissipe au fur et à mesure que l’on s’éloigne.

Pour être totalement sincère, Isaac ne pensait pas avoir achevé une théorie de la gravité (ironiquement utilisée aujourd’hui comme l’exemple d’une théorie complète et bien construite), d’où sa célèbre citation : « hypothesis non fingo ».

Son explication mathématique de la gravité fonctionne très bien. On peut en dériver les lois de Kepler qui décrivent le mouvement des planètes autour du soleil. Les prédictions dérivées des lois newtoniennes sur la gravitation universelle sont suffisamment bonnes, et le sont toujours pour les manuels scolaires des lycées.

Mais certaines choses ne pouvaient pas être expliquées. Notamment le mouvement de Mercure, la planète la plus proche du soleil.

Plus tard, Albert Einstein expliqua que la gravité est causée par la déformation de l’espace-temps autour des objets massifs. Dit autrement, nous sommes en quelque sorte poussés vers la Terre par la courbure de l’espace-temps, et non pas tirés vers le bas comme l’expliquait Newton.

Cette introduction particulière vise à rappeler que rien n’est gravé dans le marbre. Les théories évoluent. Il serait fou de penser que la science des années 1960 puisse être meilleure que celle d’aujourd’hui.

Il en va de même pour la science économique. Dépoussiérer les vieilles théories d’obscures auteurs de la pensée autrichienne n’est pas une bonne idée.

Slay your heros

Il est dans la nature humaine d’avoir des héros auxquels on aspire à ressembler. En physique, le plus grand héros fut longtemps Isaac Newton.

Sa théorie de la gravitation universelle a pendant longtemps tout décrit sans faille, depuis le mouvement des comètes, des planètes et des lunes jusqu’à la façon dont les objets tombent sur la Terre. Et puis Einstein a tout remis en cause.

Nous sommes tous attachés à notre conception de la réalité qui est souvent inextricablement liée à l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes. Les bitcoiners de la première heure sont des individus viscéralement souverains. Il était donc naturel qu’ils développent de la sympathie pour une pensée économique fondée sur l’individualisme et le rejet de l’intervention de l’état.

Leurs héros sont Carl Menger, Ludwig von Mises ou encore Friedrich Hayek. Beaucoup ont découvert la « science » économique avec Saifedean Hammous et son livre « The Bitcoin Standard ». Nous pouvons y lire au chapitre 14 une phrase clé :

« J’anticipe que les seules banques qui survivront seront celles 100 % adossées au Bitcoin ».

Dit autrement, Saifedean Hammous pense qu’une économie peut fonctionner avec une quantité fixe de monnaie. Une pensée qu’il a répétée il y a peu :

Cette fausse affirmation provient à l’origine de l’économiste autrichien Ludwig von Mises qui écrivait en 1949 dans son livre Human action :

« La quantité de monnaie disponible dans l’ensemble de l’économie est toujours suffisante. »

On imagine donc facilement pourquoi la pensée autrichienne puisse séduire les bitcoiners. Tenir pour vrai les idée de Ludwig von Mises signifie caresser l’espoir que le bitcoin remplace totalement la monnaie fiat (qui serait intrinsèquement un cancer).

Mais est-ce bien raisonnable ?

Don’t trust, verify

Être un scientifique, c’est être un renégat prêt à tout passer au crible de la méthode scientifique. Une seule observation entrant en conflit avec les prédictions d’une théorie oblige à rejeter l’idée que l’on s’était fait de la réalité.

Affirmer qu’une économie peut parfaitement fonctionner avec une masse monétaire absolument fixe est une chimère. La raison étant que l’usure (les prêts à intérêts) ne fait pas bon ménage avec une quantité de monnaie fixe. Prêter contre intérêt fut longtemps interdit à cause de la trajectoire exponentielle des intérêts composés.

La première trace de l’usure fut trouvée dans un texte juridique babylonien datant de 1750 avant JC. Le Code d’Hammurabi interdisait de prêter de l’argent à plus de 20 %. Au-delà de ce chiffre (douloureux), il est intéressant de noter que la limitation des abus usuriers était déjà inscrite dans la loi il y a de ça 3 770 ans.

L’usure était également punie par les Romains et il faudra attendre 1919 pour que l’Église catholique lève l’anathème dans le droit canon.

Pourquoi ? Parce que la révolution industrielle et les combustibles fossiles sont à l’origine d’une augmentation exponentielle de la productivité. Dit autrement, notre capacité à générer de la croissance économique est devenue compatible avec l’engrenage infernal des intérêts.

Il devint possible à chacun d’emprunter pour devenir propriétaire de sa maison. Depuis, nous augmentant perpétuellement la taille des prêts pour que chaque génération puisse trouver dans le magma de l’économie suffisamment d’argent pour rembourser le capital ET les intérêts.

Ces intérêts ne sont pas rien. Emprunter 100 000 euros au taux de 5 % pendant 25 ans signifie devoir rembourser 175 000 euros. Nul besoin d’être mathématicien pour comprendre que l’on a vite un gros problème comptable si la masse monétaire est fixe. Les défauts de paiement seraient récurrents et l’économie moribonde.

Abondance = Productivité

Oui, le système fiat est un ponzi. Mais tout va bien tant que la croissance et la productivité (quantité de choses produites par personne) augmente.

Productivité = Machines = Énergie

Si vous manquez d’énergie, la fête est finie. La quantité de choses produites par personne diminue et les salaires ne peuvent plus suivre l’inflation inhérente au ponzi fiat.

Le graphique suivant donne un indice quant à savoir pourquoi le niveau de vie semble se détériorer depuis les années 1970, fin des fameuses trente glorieuses.

Le taux annuel moyen de croissance de la production de pétrole est passé de 7.3 % (trajectoire rouge) à 1.3 % (trajectoire jaune). Le prix du baril est passé de 3 $ en 1971 à 85 $ aujourd’hui…

« Nous sommes passés d’une croissance exponentielle de la production de pétrole à une croissance linéaire. Bientôt, le pic… »

Le système fiat est le pire des systèmes monétaires, à l’exception de tous les autres, comme dirait Winston Churchill à propos de la démocratie. Mais si l’Histoire nous enseigne quelque chose, c’est que l’humanité adopte toujours ce qui est le plus efficace, et le système fiat ne fait pas exception.

Malheureusement, le taux de croissance de notre production de pétrole est désormais proche de 0 %. Or, 95 % du transport a besoin de pétrole. S’il y a moins de pétrole, il y a moins de camions qui circulent et moins de croissance.

Le pic pétrolier s’approche à grands pas et cette limite physique à la croissance nous promet une inflation aussi douloureuse que persistante.

Tout cela pour dire qu’il ne faut pas se laisser envouter par les sirènes des économistes autrichiens. La prospérité n’est pas un tour de passe-passe monétaire. L’abondance vient de l’énergie, pas des miracles fantasmés d’une masse monétaire absolument fixe.

N’exigeons pas monts et merveilles du bitcoin. La blockchain ne contient pas de pétrole, ni de lithium, de cuivre, etc…

Comme dit Michael Saylor, le bitcoin « n’a pas besoin de remplacer le système fiat pour réussir », et « personne ne peut arrêter l’inflation ».

Le bitcoin est une réserve de valeur

Et non pas le nouveau Mastercard ou la nouvelle JP Morgan. Le Bitcoin n’a absolument pas besoin de se substituer au système fiat. Son attrait principal est d’être la meilleure réserve de valeur au monde. Pour deux raisons :

-Quantité absolument finie (21 M)
-Divisibilité (100 M de satoshis par Bitcoin)

Ce second attribut est crucial. Alors qu’il fallait auparavant être riche pour se protéger de l’inflation (immobilier de prestige, peintures de grands maitres, etc), ce privilège est désormais accessible à tous.

Tel est le véritable destin du bitcoin : protéger de l’inflation inhérente au système fiat, et non pas de le remplacer. Le fait qu’il puisse également servir de moyen de paiement est une distraction. Les gouvernements seront toujours en charge de la monnaie légale.

Croire que le bitcoin remplacera le système bancaire est une distraction qui provoque des impasses mentales chez beaucoup de monde. Nombreux sont ceux qui se disent par exemple :

« Hum, le bitcoin est supposé remplacer la monnaie fiat. Mais en même temps, il est trop volatil, il est taxable à chaque transaction, les gouvernements refuseront toujours d’abandonner leur monnaie, et donc il ne remplacera pas la monnaie fiat, et donc je n’en achèterai pas ».

En somme, les économistes autrichiens et leurs fantasmes ravivés par l’avènement du bitcoin sont un frein majeur à son adoption !

Le bitcoin est en réalité en compétition avec l’or et tous les actifs risqués pour l’investissement à long terme. Il est en concurrence avec l’investissement dans l’immobilier pour faire du AirBNB ou encore les bons du Trésor américains en tant que monnaie de réserve et de paiement internationale.

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Nicolas T.

Reporting on Bitcoin, “the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy”.





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